La journée avait bien commencé. Kewi, la rédactrice en chef de Kronik, venait de m’apprendre que ma période d’essai avait été concluante et que j’étais embauché.
Je ne sais pas si c’est une bonne nouvelle pour le petit monde de VPM mais pour moi c’en était une très bonne !
Et c’est avec bonne humeur que je me suis lancé sur cette nouvelle mission. Je devais enquêter sur Bestou, dit la Best… Son parti avait connu une fulgurante ascension et elle avait su s’imposer dans la capitale comme personne d’autre n’avait su le faire auparavant.
D’après tout ce que j’avais lu et pu voir, elle ne laissait pas indifférent. Certains dénonçaient ses maladresses verbales, sa provocation alors que d’autres glorifiaient sa franchise, sa volonté, son talent stratégique et sa fougue. Mais tous reconnaissaient en elle une personne dynamique et très active. On la voyait toujours courir de meeting en réunion, de bain de foule en interview… elle n’arrêtait jamais. Mais qu’est ce qui faisait courir Bestou ?? Et surtout comment expliquer cette rapide ascension… Bestou me faisait penser à un certain Midas qui d’après la légende transformée en or tout ce qu’il touchait.
Après plusieurs coups de téléphone sur son portable (numéro que j’avais eu grâce à un ami parisien) qui sonnait toujours occupé, je pus obtenir un rendez-vous avec Bestou au local de son parti.
11h00
Comme d’habitude je veux arriver en avance pour mener ma petite enquête avant l’interview ! Me voilà donc parti au cœur de Paris, Rue des Meilleurs. Une grande baie vitrée avec plein de pancartes « nous sommes les meilleurs, Votez pour Nous ! ».
Est-ce que Bestou ne serait pas un peu prétentieuse ? rien que son nom …Mais bon il est de bonne guerre pour rassurer ses troupes de dire qu’on est les meilleurs sinon ils iraient voter pour quelqu’un d’autre...
Une grande porte sur laquelle on a peint en rouge vif BE COOL and stay zen (sois cool et reste zen) impressionne le visiteur.
J’ouvre la porte et tombe nez à nez avec Bestou.
- Ah vous êtes mon nouveau leader politique
Sans me laisser me présenter, elle poursuit.
- Donc vous trouverez sur le bureau mes notes et une liste de tâches à faire, vous devez en priorité remettre en bon état mes notes pour le discours de cet après-midi, faxer ma lettre de soutien à Zentitude, organisez une vidéo conférence avec les principaux partis de VPM, car je dois m’absenter 5 minutes et je suis déjà en retard . En plus, j’ai un abruti de journaliste qui ne va pas tarder. S'il arrive dites-lui de m’attendre dans le petit salon.
Je lui fais signe pour lui dire que j'étais Darky de Kronik avec qui elle avait rendez-vous… Mais elle continue…
- Et pour midi commandez-moi une pizza sans anchois et deux cafés. OUI ? Quelque chose ne va pas ?
Faisant une petite grimace je lui réponds :
- L ’abruti de journaliste c’est moi...
Visiblement gênée, elle balbutie :
- Ah pardon je ne voulais pas dire ça…excusez-moi… on se voit dans un quart d’heure
Elle part comme une fusée ma laissant en plan… Et voilà une nouvelle bourde verbale de Bestou (une Bestoulliade comme on dit dans notre jargon), mais je ne lui en tient pas rigueur. Elle a ce petit quelque chose de charmant qui fait que je ne l’avais pas pris mal. Et en plus l’aubaine, elle me laissait seul dans le local des Be Cool.
11h05
J’en profite donc pour visiter. Après avoir passé en revu les différentes salle de réunions, je monte à l’étage et je visite les bureaux de l’équipe. Sur chaque porte est inscrit le nom de la personne entouré de petites fleurs. La première porte que j’ouvre est le bureau de Zentitude.
Un bureau hors du commun ou une odeur d’encens se dégage : on se croirait dans un temple bouddhiste. Tout respire la tranquillité. Sur un tableau, il y’a inscrit
« Soyez Zen Si quelqu’un vous offre des valises Faites-lui la bise !! »
Je m’approche du bureau, un petit carnet sur la table est ouvert à une page. J’essaye de lire les quelques lignes griffonnées …
« Pour une journée Zen, éviter de dire à notre chère Bestou une de ces deux phrases:
les premiers seront les derniers, et les derniers les premiers
l’important ce n’est pas de gagner mais de participer. »
Ambiance calme et reposante.
Il ne faut pas que je m’endorme, Bestou peut revenir d’une minute à l’autre, je continue mon investigation.
Me revoilà dans le couloir, une porte entrouverte ou j’entends une voix qui essaye d’entonner une chanson. Je m’approche tout doucement. La salle est plutôt étrange. Des photos anciennes, meubles anciens, la seule chose qui paraît moderne est un vieux poste de télévision. Car même l’ordinateur est à cassettes audio. Au milieu de la salle, je reconnais Nostalgy qui face à sa télévision est en train de chanter. C’est un karaoké !!
Je passe la tête pour mieux entendre. Elle est trop occupée pour s’apercevoir que je suis là. Nostalgy reprend avec cœur mais pas avec mesure une chanson ancienne légèrement transformée
« Villeurbanne c’est fini, et dire que c’était la ville de ma première campagne !
Villeurbanne c’est fini. Je ne crois pas que j’y retournerai un jour
Nous n'irons plus jamais,
Bestou vient de décider
Nous n'irons plus jamais,
car c’est bien trop petit
Parfois je voudrais bien,
Te dire recommençons,
Mais je perds le courage,
Sachant que tu diras non. »
Ah bon vieux temps quand tu nous tiens !!!
Cette voix me rappelle curieusement la voix de ma rédac chef… Oui on va dire que je fais une fixation sur elle mais pourtant…
De plus en plus surpris de ce que je découvre dans les partis politiques, je m’arrête une minute et je me dis que c’est eux après qui nous gouvernent ; et que j’aurais tous les talents vu ce que je vois pour être un homme politique…
En longeant cet immense tunnel noir, j'arrive à un autre bureau dont la porte est grande ouverte. Le bureau est spacieux, très clair. Des jolies mannequins déshabillées sur tous les murs. Le téléphone sonne, je n’avais pas vu qu’un homme me tournait le dos et était dans un large fauteuil.
Allo oui c’est Shamir et toi ?
…
je dois deviner ?? on s’est vu hier sur le marché …
…
c’est Monique ?? non…
…
Ah oui Charlène ?
…
non plus … attend hier a 17h00 Nicole ??
…
si je me souviens de toi mon bébé comment aurais je pu t’oublier…
Je passe mon chemin laissant Shamir à ses chimères.
Nouveau bureau, celui de Valerie, toujours pas celui de Bestou. Je vais bien finir par le trouver. Sur la porte il y’a un mot.
" Bestou !
J'ai passé tout droit à matin
J’ai pataugé pendant une heure ! Criss, t'es pas venu à l'heure
J’ai tout fais toute seule pis j’en ai plein mon cass !
Criss que j'técoeure
En plus j’étais mal amanchée
C’est un piochage il faut changer tout ça !
Ca m’a pogné les nerfs !!
Bon j’arrête de chialer mais j’ai les yeux dans la graisse de bine,
et j’atchoume sans arrêt je crois que je suis malade
Je rentre a la maison.. et Calisse ! pètes pas une coche !
Je serais là demain !!
Val."
Le québécois quelle belle langue ! Mais ce n’était point la priorité de ma mission. En plus je pense que nos auditeurs ne comprendraient rien a ce message. Je devais trouver au plus vite le bureau de Bestou avant son retour pour en savoir plus à son sujet.
11h20
Enfin je suis dans son bureau. Une chose me saute aux yeux. Un grand panneau, avec, en gros:
« J’ai toujours raison et quand j’ai tort j’ai mes raisons ». Oula je me dis qu’avec Bestou ça doit marcher droit !!
Un téléphone sonne ! la sonnerie chante « We are the champions » mais personne n’est là pour répondre ! Sur le bureau de nombreux dossiers éparpillés. Sur les murs, de nombreuses statistiques. On dirait que tous les représentants de chaque parti ou du moins des plus grands sont suivis à la trace. Bestou ne laisse rien au hasard.
Un grand miroir au mur où, j’imagine, Melle Bestou se contemple tous les jours.
Proche du grand bureau en bois massif, une immense vitrine garnie de médailles, de coupes et autre diplômes. Je m’approche car cela m’intrigue. C’est un peu fouillis !
Dans un cadre doré on trouve un bulletin scolaire de Bestou sur lequel on peut lire une mention au bas de la page « Bestou est première en tout même en bavardage !!! » Non loin de la je vois des coupes et médailles et des prix de toutes sortes.
Quelle classe !
Je n’ai pas fini mon inspection quand arrive un homme que je reconnais de suite : Wantelectricity.